Tout au long du vingtième siècle, dans les sociétés occidentales, le travail reproductif – c’est-à-dire le travail de reproduction de la force de travail, qui inclut diverses activités de soins telles que le nettoyage, la cuisine et la garde d’enfants – a été en grande partie effectué dans la sphère privée de la maison et l’unité sociale de la famille. Dans les deux cas, le travail de soins était et reste largement non rémunéré, invisible et dévalorisé, imposant un fardeau aux minorités culturelles, raciales, de genre et sexuelles. Si, après des décennies d’organisation féministe, les femmes(bourgeoises, et/ou blanches et/ou cis et/ou hétérosexuelles) sont lentement libérées du travail reproductif, le travail de soins est aujourd’hui de plus en plus externalisé hors de la maison et de la famille, par le développement d’une économie de services à bas salaire, dans laquelle le travail est principalement effectué par des populations précaires et racisées.
Parallèlement, de nombreux groupes et corps, considérés comme indignes, dangereux, marginaux, rétrogrades, ont été exclus des formes dominantes de soins et de leurs institutions, ce qui a exigé et exige le développement d’autres réseaux de ressources reproductives. Les ressources, les savoirs et le travail reproductifs nécessaires à la maintenance et à la reproduction de ces groupes sociaux ont été non seulement dévalorisés, mais aussi largement criminalisés et pathologisés. L’environnement bâti y participe activement en incarcérant, en ségrégant, en disciplinant et en rendant les espaces et les ressources inaccessibles, produisant des sujets et des populations jugés indignes de soins et inadaptés. La crise du sida est un exemple de la nécropolitique des États occidentaux, à travers la criminalisation des pratiques de soin et la destruction des ressources reproductives par la gentrification, les politiques sexuelles, et la ségrégation et la destruction spatiales.
La résidence Public Care a rassemblé des architectes, des praticien·nexs de l’espace, des expert·exs et des artistes pour discuter de la manière dont l’espace peut être mobilisé comme ressource reproductive dans les luttes féministes, queer, trans* et abolitionnistes. Ensemble, nous avons discuté des constellations de domesticités au-delà de la sphère privée qui soutiennent le travail reproductif (contre-)public, en s’inspirant de spatialités passées, présentes et futures à Genève, afin de définir des ressources spatiales reproductives potentiellement libératrices.
Artistes en résidence:
Dafni Retzepi @dafni.re
Antoine Scalese @a.scls
Les photographies présentent les pièces originales produites par les artistes en résidence, présentées lors du finissage de l’exposition le 15 Mai 2025, ainsi que la Reading Room «Care is what ‘becomes’ us » proposée par Ethel Baraona Pohl (dpr_barcelona) lors du vernissage. Les photographies ont été réalisées par Valentine Blaimont.
Crédits photographiques: Valentine Blaimont